


« Le savant, en songeant que la vie universelle est suspendue tout entière à la floraison de l’individualité des personnes, devrait considérer avec une modestie quelque peu jalouse le labeur de l’artiste, si lui-même, en imprimant nécessairement son cachet personnel à la conception générale des choses, ne lui donnait toujours un prix esthétique, vraie raison de sa pensée. » Gabriel Tarde, Les lois sociales
Tapis, verres, laitons et aciers ouvragés,
livres, cuirs, tissus tableaux
produits des deux côtés,
fleurissent à foison,
témoignent d'une richesse grandiloquente, insolente,
partagée.
Les artisans vénitiens enrichissent leur pratique en imitant les objets venus de Syrie,
d'Iran, d'Egypte et d'ailleurs encore dans l'Empire Ottoman.
Venise achète les tapis,
et Gentile Bellini dresse portrait du Sultan.
Le XVIe siècle fut l'apogée de ce moment d'échanges fructueux,
pour le commerce et la culture.
L'exposition est agréablement présentée,
et l'étroitesse du lieu quelque peu dépassée, avec cette idée originale et réussie de donner à voir par transparence le dos des pièces - tel le turc enchaîné- et le regard des visiteurs en train de les regarder.
Mais je n'ai pu, chemin faisant, m'empêcher de rêver à une autre scénographie.
Une scénographie qui aurait proposé des cartels aisément consultables
Une scénographie qui aurait rendu inutiles ces détestables audiophones,
objets postmodernes s'il en est… avec lequel, chacun dans sa coquille ne regarde que ce qu'il entend et bouscule l'autre dont il oublie la présence.
Une scénographie qui aurait fait de Venise autre chose qu'un isolat,
Une scénographie enfin, qui, au-delà du fantasme esthétique,
Aurait interrogé l'œuvre véritablement,
Et rappelé son économie.
Car quoi : la beauté
n'aurait-elle pour seule raison
que la raison des commanditaires ?
Point aveugle 1 : Soliman le Magnifique avait appris l'orfèvrerie... tout comme son père.
Point aveugle 2 : la place des juifs, comme artisans, comme banquiers, comme intermédiaires...